Opinion
Dépasser les freins à l’engagement du leadership
by Ian Edwards and Nathalie Levallois - 8 May 2017
Près de 300 professionnels du fundraising de l’enseignement supérieur et de la recherche français (ESR) se sont réunis au début du mois de mars à Paris pour la conférence annuelle organisée par l’Association Française des Fundraisers. Durant ces trois jours, les échanges ont prouvé le dynamisme croissant du secteur et la montée en compétences des professionnels. Ils ont aussi pointé du doigt les obstacles qui freinent souvent et encore le succès des démarches de fundraising au sein des universités, grandes écoles, et instituts de recherche.
Ces dernières années, un noyau dur d’institutions de l’ESR en France ont réussi le pari du fundraising. Nous avons observé qu’outre la faculté de présenter une stratégie claire et d’activer leurs audiences, ces institutions ont en commun d’être portées par un leadership acquis à la démarche du fundraising et investis dans celle-ci. C’est, ou cela a été le cas, par exemple, du directeur Xavier Michel et du Président de campagne Claude Bébéar à l’Ecole Polytechnique, de Jean-Pierre Bourguignon pour l’Institut des Hautes Etudes Scientifiques, et de Michel Pébereau et Jean Tirole à Toulouse School of Economics… Tandis que les institutions qui peinent à faire éclore une activité de fundraising durable présentent souvent un déficit d’engagement de leur leadership ou font face à une periode de transition à leur tête.
Bien comprendre pourquoi l’implication du leadership est une condition sine qua non de la réussite du fundraising et quels sont les freins à cet engagement devient crucial. Cela permet d’ébaucher des pistes pour dépasser ces freins. A More Partnership, nous avons la conviction que pâtir d’un leadership passif, complexé, voire réticent à la démarche du fundraising n’est pas une situation inextricable. A travers quelques attitudes et initiatives ciblées, le fundraiser détient les clés pour opérer la mue de ses dirigeants en des ambassadeurs décomplexés et moteurs du fundraising.
De l’importance d’un leadership impliqué
La réussite du fundraising repose sur des ingrédients simples : une histoire aspirationnelle que l’on sait bien raconter, l’existence d’une audience captive ou à capter, et une infrastructure en charge d’orchestrer les activités. Sur chacun de ces éléments, le leadership d’une institution – le directeur d’école ou le président d’université, épaulé par le président de la Fondation ou les ambassadeurs/bénévoles, et dans certains cas des professeurs de renom – a un rôle central à jouer.
Le président/directeur est d’abord celui qui donne une vision et une direction à son institution et développe la stratégie d’établissement, des éléments qui forment le socle d’une démarche articulée du fundraising. Et parce qu’il est la figure publique de l’institution, c’est à lui en premier que revient la tâche de conter cette histoire et de la faire vivre.
Aussi et surtout, le président/directeur est celui qui justifie et assoie en interne la légitimité et l’importance de l’activité de fundraising. Il doit susciter auprès de tous les services l’approbation d’une telle démarche et l’appui à l’équipe de développement et à son directeur. Un soutien sans lequel le fundraising ne pourra durablement s’installer et s’épanouir au sein d’une institution. Enfin, c’est aussi lui qui porte la décision d’investir dans les activités de fundraising, d’allouer un niveau de budget dont dépendront directement les résultats de la collecte.
Comprendre les freins à l’engagement du leadership
Mais force est de constater qu’en France et ailleurs en Europe, le leadership dans l’ESR n’a pas encore entièrement embrassé le fundraising. Si le degré des freins peut varier selon qu’il s’agisse d’une université, d’un groupement d’universités, d’une école spécialisée ou d’un institut de recherche, ils concernent souvent les éléments suivants:
D’abord un manque de vision pour l’établissement et de projection à moyen et long-terme. Selon la durée de mandat des présidents ou directeurs, selon la situation de leur institution lorsqu’ils prennent leurs fonctions, les leaders n’ont pas toujours une ambition de croissance et de transformation sur laquelle repose une démarche de fundraising.
Ce manque de projection à moyen et long terme empêche également de penser les futurs besoins en financement des établissement ESR et le rôle crucial que peut jouer la collecte de fonds privés et ce en dépit du contexte de baisse progressive et programmée des fonds publics.
Même si la démarche est acceptée voire souhaitée, il y a aussi souvent une absence de foi dans la capacité de collecter des fonds privés et dans le fait que ces financements peuvent représenter un véritable poids dans le budget d’un établissement.
Plus globalement, il existe un manque de culture philanthropique et une méconnaissance certaine des fondements relationnels du fundraising, de ses mécanismes et de sa temporalité. Méconnaissances qui entraînent un manque d’appétit voire, une réticence profonde des dirigeants.
Ainsi, les présidents/directeurs ne percoivent pas le rôle central qu’ils ont à jouer. A travers le recrutement d’un directeur du développement, ils estiment avoir entièrement délégué cette tâche sans comprendre que personne ne peut endosser ce rôle d’ambassadeur en chef du fundraising en interne et à l’externe et que cela fait partie intégrante de leur mission en tant que directeur.
Quelques clés pour un leadership décomplexé et moteur du fundraising
Pourtant, directeurs de développement ou fundraisers ne devraient pas se sentir démunis face à un leadership fermé ou passif. La réussite de leurs activités dépendent de nombreux facteurs sur lesquels ils ont la possibilité d’agir. L’implication du leadership en est un. Voici quelques conseils aux fundraisers pour amener leurs dirigeants vers une pratique décomplexée et vertueuse du fundraising.
Traitez votre leadership comme vous traitez vos prospects. Comprenez leurs intérêts et leurs aspirations, informez-les de vos activités, apportez-leur les preuves quantitatives et qualitatives de leur nécessité et de leur potentiel de réussite. Enfin, invitez-les à y prendre part le plus possible. Développez ainsi une relation qui les amènent progressivement à comprendre que la levée de fonds est une clé de leur propre réussite en tant que président d’établissement leur permettant non seulement d’atteindre leurs objectifs mais aussi d’élever leurs ambitions
Incitez-les à échanger avec leurs pairs, à aller voir ce que font les institutions qui sont quelques années en avance sur la vôtre et à comprendre le rôle que doit jouer le leadership. C’est le sens par exemple du King Baudoin Foundation tour ou du Fundraising Study Tour organisé tous les ans par CASE Europe pour les Vice-chancellors. « Ce voyage d’étude au Canada a été extrêmement utile, témoigne Sir David Bell, Vice-chancellor de l’Université de Reading. Visiter quatre institutions a considérablement élargi ma vision du fundraising et m’a donné des idées directement applicables à Reading. »
Multipliez les occasions de rencontres entre votre leadership et vos donateurs. Elles permettent de désacraliser le grand donateur et d’ôter certaines suspicions vis-à-vis de leurs intentions. Des échanges où le donateur apparaîtra pour ce qu’il est vraiment : une personne généreuse et bienveillante qui fait confiance à l’institution. Veillez à ce que les conditions de ces rencontres soient toujours plaisantes et agréables et surtout qu’elle ne se limite pas à un simple accueil mais un vrai moment passé ensemble. Votre président pourrait s’apercevoir que rencontrer donateurs et prospects est un volet facile, stimulant et personnellement enrichissant de son travail. Et que la démarche de fundraising ne se limite pas à un retour financier, elle génère aussi, grâce à ces rencontres, des bénéfices relationnels et personnels.
Invitez-les à souscrire à des séances de coaching individuel qui ont la vertu de désacraliser cette activité fondée avant tout sur le développment d’une relation humaine et non sur un acte de sollicitation. Ces séances permettent d’élairer les dirigeants sur leur rôle de façon à la fois pragmatique et aspirationnelle.
Si votre directeur reste malgré tout distant, essayez de travailler avec un ou plusieurs donateurs très impliqués, souhaitant soutenir l’activité de collecte de fonds et disposés à devenir des ambassadeurs de votre cause tant auprès de votre président (les donateurs sont écoutés) qu’auprès des prospects. L’exemplarité reste un levier très important pour convaincre et pour collecter des dons.
Enfin, oeuvrez pour sensibiliser un leadership élargi (Comex, Conseil d’administration, chefs de départements) à la nécessité et aux pratiques du fundraising. Que ce leadership soit partagé afin de palier par exemple au trou d’air que peut représenter une période de transition du pouvoir.
Si vous souhaitez en savoir plus sur nos séances de coaching individuel, nos ateliers de sensibilisation et de formation dédiés au leadership universitaire (présidents, membres du CA/Comex, directions académiques et scientifiques), ou l’un de nos autres services en France, écrivez à iedwards@morepartnership.com ou nlevallois@morepartnership.com.
Nous serons également heureux de vous rencontrer lors du séminaire francophone de la collecte de fonds organisé les 20-22 juin 2017 par l’AFF à Paris.